Le réveil des Brigadiers de la Drôme est né au lendemain de la Première Guerre mondiale dans le sud du département, puis s’est diffusé dans une partie du Dauphiné et au-delà. Son point d’allumage symbolique est souvent situé à Dieulefit, où le jeune pasteur Henri Eberhard, au cours de l’automne 1922, ose proclamer depuis la chaire : « Le réveil a commencé… et le premier réveillé, c’est moi. » Cette confession publique ouvre une saison de repentir, de prière insistante et d’appels clairs à la conversion personnelle, marquant durablement les paroisses réformées locales.
Un peu d’Histoire
Très vite, quatre figures se dégagent et seront surnommées « les Brigadiers de la Drôme » : Henri Eberhard (Dieulefit), Pierre Caron (Valréas), Jean Cadier (La Motte-Chalancon/Valdrôme) et Édouard Champendal (Nyons). À eux s’agrègent d’autres pasteurs et équipiers, de sorte qu’on parlera aussi de « Brigade missionnaire de la Drôme ». Leur empreinte se lit autant dans la prédication et l’enseignement biblique que dans l’organisation de réunions de prière ferventes, de visites pastorales systématiques et d’appels à une vie sainte, centrée sur l’Écriture et la seigneurie du Christ.
Le contexte aide à comprendre l’émergence du mouvement : l’entre-deux-guerres laisse des communautés éprouvées, parfois enfoncées dans la routine. Les Brigadiers insistent sur la régénération par l’Esprit Saint, la confession des péchés, la « décision » de la foi, et la nécessité d’unir ferveur et doctrine : pas d’émotion sans fondement biblique, pas d’orthodoxie sans feu intérieur. Leur spiritualité, héritière des réveils anglo-gallois étudiés par Eberhard, assume un accent réformé : repentance, grâce souveraine, sanctification vécue.
Dans les faits, la Brigade fonctionne comme une fraternité de pasteurs : prédications croisées entre paroisses, semaines d’évangélisation, accompagnement des jeunes, renouveau du chant et de l’étude biblique. Des témoignages rapportent des cultes simples mais puissants, des réunions prolongées par la prière, et des décisions publiques sans pression ni mise en scène : l’autorité vient de la Parole et d’une conscience visitée par Dieu. Le sillage du Réveil touche Crest, Nyons, Dieulefit, La Motte-Chalancon et d’autres localités, puis rayonne vers la Suisse romande par les tournées de Cadier. La période la plus dense s’étend de 1922 au milieu des années 1930 (souvent 1936-1939 selon les sources).
Le matin vient, c’est aujourd’hui l’heure de Dieu, c’est maintenant qu’il faut se décider.
Jean CADIER
Les 5 clefs du Réveil vécu par les Brigadiers
1. Souffrir pour l’Église
Tout réveil authentique commence par une souffrance. Pas une inquiétude vague, mais une douleur qui serre le cœur, une agonie intérieure qui refuse de se taire devant l’état spirituel de l’Église. Comment rester indifférent quand tant de communautés dorment, quand les cœurs s’assèchent, quand la flamme de l’amour pour Dieu vacille ou s’éteint ? Cette souffrance est un don de Dieu : elle nous empêche de nous installer dans la résignation. Trop souvent, nous avons cessé de pleurer sur nos assemblées. Nous avons appris à vivre avec l’indifférence, à la contourner en multipliant les activités, le social, les animations, ou en remplaçant la soif de Dieu par des conseils psychologiques. Ces choses peuvent être utiles, mais elles ne réveillent pas les morts. La première clé du Réveil est de retrouver cette douleur brûlante qui nous pousse à genoux, à crier à Dieu jusqu’à ce qu’Il agisse.
2. Prier jusqu’à la percée
Si la souffrance allume la flamme, la prière en est le souffle. Pas la prière tiède et occasionnelle, mais la prière qui brûle, qui pleure, qui confesse nos compromis et nos silences. La prière persévérante, obstinée, qui prend Dieu au mot, qui s’appuie sur Ses promesses et ne lâche pas prise. Une prière qui entraîne non seulement le pasteur, mais l’Église entière dans un élan de foi. C’est ainsi que les ossements desséchés revivent : non par la force des hommes, non par les moyens financiers, non par l’organisation, mais par l’Esprit du Seigneur. L’histoire du peuple de Dieu le prouve : chaque réveil est né dans une chambre haute, sur des genoux usés par l’intercession.
3. Le feu commence par le pasteur
Un réveil ne descend pas sur une Église comme une pluie inattendue si le cœur de ses bergers est sec. Dieu commence toujours par enflammer Ses sentinelles. Si le pasteur dort, le peuple sommeille. Mais si le pasteur brûle, le feu se propage. Henri Eberhard, dans le temple de Dieulefit, eut le courage de dire : « Frères et sœurs, le Réveil a commencé… et le premier réveillé, c’est moi. » Voilà la vraie clé : accepter que le changement commence en nous. Osons nous laisser consumer par Dieu avant de demander qu’Il enflamme notre assemblée.
4. Des couples pastoraux solides
Un ministère puissant repose rarement sur un pasteur isolé : derrière chaque homme de Dieu, il y a souvent un couple uni dans la prière, l’amour et la mission. Les grandes œuvres de Dieu ont été portées par des foyers solides, capables de traverser ensemble les tempêtes du ministère. Là où le couple pastoral est divisé, l’ennemi frappe vite et fort. Là où il est uni, enraciné dans la Parole et la vision, il devient un mur de protection pour l’Église. Dans un monde où tant de mariages se brisent, un couple pastoral fort est en soi un témoignage puissant.
5. L’alliance de la flamme et de la vérité
Tout vrai réveil produit émotion et ferveur, et c’est juste : quand Dieu agit, les cœurs s’embrasent. Mais un feu sans fondations s’éteint vite. Pour durer, l’œuvre du Saint-Esprit doit être nourrie par la Parole : un enseignement biblique solide, clair, engageant, qui appelle à des décisions fermes et transforme les vies. La louange renouvelée dans nos assemblées est un signe encourageant. Mais elle doit marcher main dans la main avec un retour passionné à l’étude des Écritures. Le réveil véritable est la rencontre de deux fleuves : la flamme de l’Esprit et la vérité de la Parole.
Chaque génération a besoin d’un Réveil.
Philippe DECORVET
Conclusion
Nous ne revivrons pas le Réveil de la Drôme tel qu’il fut vécu dans les années 1920. Mais si nous reprenons ces cinq clés — souffrir pour l’Église, prier jusqu’à la percée, laisser le feu commencer par nous, fortifier nos couples pastoraux, et unir flamme et vérité — alors, oui, Dieu peut encore faire trembler nos assemblées et ramener la vie là où tout semblait perdu. Le Seigneur n’a pas changé ; Il cherche encore des hommes et des femmes qui se tiennent à la brèche.
Pour aller plus loin
Le Réveil, du rêve à la réalité. Un exemple français, le réveil de la Drôme (Philippe Decorvet, PDF)
La Brigade de la Drôme (Edouard Champendal, ERF Baronnies / Sentinelle Néhémie)
Musée du Protestantisme Dauphinois (site officiel)
Merci pour ton article Nicolas, d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’une histoire souvent ignorée de ma région de naissance, la Drôme.
Éric
Très bon article, merci Nicolas ! Sur le mode des prophètes de l’Ancien Testament pour rappeler comment Dieu a parlé dans le passé. Saurons-nous entendre ?
Court. Incisif. Clair. Passons à la pratique avec l’aide de DIEU et la prière. Merci de prier pour ceux qui sont touchés.
Le réveil on en parle beaucoup. Ce qu’il nous faut c’est de la motivation, de la soif une grand désir de connaitre Dieu et de faire sa volonté. Alors le réveil viendra naturellement.
J’ai connu l’existence de ce réveil , il y a une trentaine d’années, par des documents, qu’on m’avait communiqués. Cela m’avait beaucoup encouragé. j’ai même photocopié un n° spécial de leur Revue consacré à la Convention de Dieulefit de1925 sur le thème: « La Croix de Jésus-Christ »,
aux Editions « Le matin vient », de La Motte Chalançon, ( Drôme ).
J’ai rencontré, il y a environ 20 ans, des familles chrétiennes de la région de Romans qui avaient conservé le souvenir des brigadiers de la Drôme.
Aujourd’hui, plus qu’hier, réveillons-nous, veillons dans la prière ayant notre lampe allumée et suffisamment d’Huile-Sainte pour accueillir le Roi au plus sombre moment où l’obscurité se répand sur la Terre.