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L’amour, marque du Chrétien, par Francis Schaeffer

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Ce message crucial, publié pour la première fois dans Christianity Today le 11 septembre 1970, donna au théologien Francis A. Schaeffer une audience internationale. Il y explique que les chrétiens n’ont pas toujours donné une image positive de l’Église au monde. Ils ont souvent failli dans leur témoignage, projetant une image déformée de Dieu et d’un Corps de Christ divisé. L’auteur aborde avec sincérité les thèmes de l’amour pour les frères, le pardon et l’unité entre chrétiens.

L’amour, marque du Chrétien

Les chrétiens n’ont pas toujours su offrir au monde une image séduisante. Trop souvent, ils ont échoué à refléter la beauté de l’amour, l’éclat du Christ et la sainteté de Dieu, poussant ainsi le monde à détourner les yeux. Existe-t-il alors un moyen d’attirer à nouveau l’attention du monde, cette fois vers une forme authentique de christianisme ? Les chrétiens doivent-ils continuer à demeurer immobiles, les bras croisés, présentant une image ternie de Dieu et un corps du Christ brisé ? Comment pouvons-nous, en tant que chrétiens, montrer au monde qui nous sommes vraiment ?

À travers les âges, divers symboles ont été utilisés pour identifier les chrétiens : des marques sur les vêtement ; des chaînes autour du cou, voire des coiffures distinctives. Cependant, il existe un signe bien meilleur, une marque universelle destinée à perdurer à travers les siècles de l’Église, jusqu’au retour de Jésus.

La véritable marque

À la fin de son ministère, Jésus a défini clairement la marque distinctive qui devrait caractériser les chrétiens jusqu’à son retour :

« Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13:33-35)

Ce que Jésus dit ici n’est pas une déclaration ou un fait. C’est un commandement qui inclut une condition : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » Et si cela est impliqué, si vous obéissez, vous porterez l’insigne que le Christ a donné. Mais comme c’est un commandement, il peut être violé. Le point est le suivant : bien qu’il soit possible d’être chrétien sans montrer ce signe, si nous voulons que les non-chrétiens sachent que nous sommes chrétiens, nous devons montrer ce signe.

En s’adressant à l’Église quelques années plus tard, le même Jean qui a écrit le passage ci-dessus déclare : « Voici le message que vous avez entendu dès le commencement : Nous devons nous aimer les uns les autres. » (1 Jean 3:11) Jean dit en substance : « N’oubliez pas cela… n’oubliez pas cela ! » Ce commandement nous a été donné par le Christ alors qu’il était encore sur terre. Ceci doit être votre signe distinctif.

Aimer son prochain et ses frères

Ce commandement nous invite d’abord à aimer nos frères et sœurs en Christ. Mais l’enseignement de Jésus va plus loin : nous devons aimer chaque être humain comme notre prochain. Tous portent l’image de Dieu et possèdent une valeur intrinsèque, non seulement parce qu’ils sont l’objet du salut offert par Christ, mais aussi parce qu’ils sont sa création. Cet amour universel inclut ceux qui ne sont pas sauvés, car leur valeur repose sur leur origine divine.

Jésus illustre cet amour dans la parabole du Bon Samaritain, où un homme, pourtant méprisé par la société juive, manifeste une compassion exemplaire envers une victime laissée pour morte (Luc 10:25-37). Si une telle attention est attendue envers l’humanité entière, combien plus devons-nous manifester un amour visible envers nos frères et sœurs dans la foi. Comme l’écrit Paul :

« Faisons du bien à tous, et surtout à ceux qui appartiennent à la famille des croyants. » (Galates 6:10)

Un équilibre délicat

Bien souvent, les chrétiens fidèles à la Bible ont mis en avant la séparation entre l’humanité perdue et celle sauvée, donnant parfois une impression de froide exclusivité. Pourtant, si deux humanités existent, toutes deux partagent une même origine en Dieu. Cette unité fondamentale exige un amour qui transcende les différences entre croyants et non-croyants, illustrée par la parabole du Bon Samaritain.

La qualité de notre amour, tout comme sa visibilité, devient alors essentielle. En effet, Jésus confère au monde le droit de juger notre foi en observant notre amour mutuel. Si ce dernier fait défaut, le monde est autorisé à douter de notre identité chrétienne et de la véracité de l’envoi du Fils par le Père.

La qualité de l’amour

La qualité de l’amour auquel nous sommes appelés est définie par Christ lui-même :

« Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. » (Jean 13:34)

Cet amour, empreint du sacrifice et de la grâce, dépasse les simples déclarations superficielles ou les slogans affichés. Au contraire, il demande une réflexion profonde, un travail de l’âme et une vie consacrée à cette pratique.

Jésus appelle son Église à être une Église d’amour au milieu d’une culture en déclin. Mais comment cette culture perçoit-elle les croyants ? Jésus l’explique :

« À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13:35)

Par cette déclaration, Jésus donne au monde le droit d’évaluer notre foi en observant nos actes. Si le monde voit un manque d’amour, il peut légitimement douter de la réalité de notre christianisme.

Lorsque nous échouons à aimer, nous devons humblement reconnaître nos torts. Il est possible d’être chrétien et de manquer d’amour, mais ces échecs donnent au monde des raisons de douter. Il ne s’agit pas ici de perdre notre salut, mais d’un appel à introspection et à repentance. Nous devons nous demander : « Suis-je à la hauteur de ce commandement d’aimer ? » et chercher à corriger nos manquements avec la force que Dieu nous accorde.

L’amour comme apologétique finale

Jésus va plus loin dans sa prière sacerdotale :

« Qu’ils soient tous un, Père, comme toi, tu es en moi et moi en toi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jean 17:21)

Cette unité visible entre les chrétiens devient la preuve ultime, l’apologétique finale, qui atteste de la mission de Christ et de la vérité du christianisme. Sans cette unité tangible, il est vain d’espérer que le monde reconnaisse la véracité de nos proclamations.

Cet amour observable ne se substitue pas à l’apologétique intellectuelle, mais il la complète. Les réponses rationnelles et les débats théologiques sont nécessaires, mais ils ne suffisent pas. La véritable puissance de notre témoignage réside dans l’amour visible et sincère que nous manifestons envers les autres chrétiens.

L’amour rendu visible par la pratique

Comment cet amour devient-il visible ? Il commence par un geste simple mais profondément difficile : demander pardon. Lorsqu’un manque d’amour ou une offense a eu lieu, le chrétien doit avoir le courage d’aller vers l’autre et de dire : « Je suis désolé. » Cet acte, bien que fondamental, n’est ni naturel ni facile. Dans nos communautés, nos familles, et même nos Églises, combien de fois avons-nous ignoré cette nécessité élémentaire ? Pourtant, sans cela, le monde a raison de remettre en question notre témoignage.

L’amour visible implique également le pardon. Pardonner à quelqu’un, même avant qu’il ne demande pardon, est une manifestation puissante de cet amour. Dans la prière du Seigneur, nous sommes appelés à dire :

« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » (Matthieu 6:12)

Ce pardon, bien qu’exigeant, reflète notre compréhension de la grâce que nous avons nous-mêmes reçue.

Quand les Chrétiens sont en désaccord

Les désaccords entre chrétiens sont inévitables, mais la manière dont nous les gérons doit refléter l’amour et la sainteté de Dieu. L’apôtre Paul, dans ses lettres aux Corinthiens, illustre cet équilibre. Il exhorte à la fois à corriger les comportements contraires à la sainteté (1 Corinthiens 5:1-5) et à montrer un amour authentique envers ceux qui se repentent (2 Corinthiens 2:6-8). Cet équilibre entre vérité et amour est essentiel pour maintenir un témoignage crédible devant le monde.

Lorsque des divergences surviennent, elles doivent toujours être abordées avec regret et humilité. Trop souvent, les chrétiens sont rapides à critiquer et à se diviser, cherchant à remporter des joutes verbales plutôt qu’à trouver des solutions. Mais ce n’est qu’en adoptant une attitude empreinte d’amour, même dans les désaccords, que nous pouvons montrer au monde une unité réelle et digne de l’Évangile.

Le Pardon

Mais la prière visible ne se limite pas à dire que nous sommes désolés. Elle implique également un pardon sincère. Et bien qu’il soit difficile de dire « je suis désolé », il est encore plus difficile de pardonner. Cependant, la Bible est claire : le monde doit voir un esprit de pardon parmi le peuple de Dieu. Dans le Notre Père, Jésus lui-même nous enseigne à prier : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Cette prière, précisons-le, n’est pas liée au salut. Elle n’a rien à voir avec la nouvelle naissance, car nous naissons de nouveau sur la base de l’œuvre accomplie du Christ, sans rien y ajouter. Cependant, elle concerne le pardon moment par moment du chrétien pour ses péchés, sur la base de l’œuvre du Christ, afin de maintenir une communion ouverte avec Dieu.

Ce que le Seigneur nous a enseigné à prier dans le Notre Père devrait rendre chaque chrétien très réfléchi chaque jour de sa vie : nous demandons au Seigneur de nous ouvrir les réalités expérientielles de la communion avec Lui, tout en pardonnant aux autres. Certains chétiens disent que le Notre Père n’est pas pour l’époque actuelle, mais la plupart d’entre nous pensent qu’il l’est. Pourtant, bien que nous le récitons souvent lors de nos cultes du dimanche, nous réfléchissons rarement à notre manque de pardon envers les autres et à son lien avec notre communion avec Dieu.

Nous devons tous reconnaître que nous ne pratiquons pas le pardon comme nous le devrions. Cependant, la prière dit : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Nous sommes appelés à avoir un esprit de pardon, même avant que l’autre personne n’exprime des regrets. Le Notre Père n’indique pas que nous devons attendre que l’autre soit désolé pour montrer un esprit de pardon. Nous pouvons reconnaître que cette personne a tort, tout en lui pardonnant. Cet esprit de pardon doit s’étendre à tous, mais surtout envers nos frères et sœurs en Christ.

Un tel pardon témoigne d’une attitude d’amour envers les autres. Mais le pardon véritable est observable. Vous pouvez le lire sur le visage d’une personne : il est évident si elle a un cœur pardonnant. Le monde est appelé à voir si nous exprimons des regrets et si nous manifestons un cœur qui pardonne. Comme l’a enseigné Jésus dans Jean 13 et 17, notre amour, bien que non parfait, doit être suffisamment substantiel pour que le monde le remarque. Si ce n’est pas le cas, le monde a le droit de porter deux jugements terribles : que nous ne sommes pas des chrétiens, et que Christ n’a pas été envoyé par le Père.

Manifester un amour qui paye le prix

Nous devons démontrer un amour pratique, même lorsque cela est coûteux. Aimer n’est pas simplement dire « je t’aime » tout en agissant de manière contraire. La sainteté de Dieu doit être manifestée simultanément avec son amour. Parfois, cela signifie subir des pertes, qu’elles soient financières ou autres, pour montrer notre unité en Christ.

En outre, lorsque nous discutons de nos différends, notre objectif ne doit pas être de prouver que nous avons raison, mais de trouver une solution qui glorifie Dieu et reflète son amour. Le monde ne comprend peut-être pas nos différends doctrinaux, mais il remarquera si nous nous aimons les uns les autres en dépit de ces différends.

Des exemples d’amour observable

Après la Seconde Guerre mondiale, les Assemblées de Frères en Allemagne étaient divisés : certains avaient accepté les exigences d’Hitler, tandis que d’autres avaient refusé. Les émotions étaient profondément marquées. Pourtant, les deux groupes se sont rencontrés, ont examiné leur propre cœur pendant plusieurs jours, puis se sont réconciliés.

Un autre exemple vient des États-Unis, où une église a décidé de se scinder en deux pour mieux servir différents communautés. Bien qu’organisés séparément, ils ont continué à manifester un amour mutuel, montrant ainsi une unité qui transcende l’organisation.

Le signe distinctif du chrétien

Jésus a dit : « Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13:34-35). Nous sommes appelés à aimer nos frères et sœurs en Christ d’une manière visible au monde. Cet amour, même au milieu de tensions émotionnelles profondes, est le signe distinctif du chrétien.

Sans cet amour, nous attristons le Saint-Esprit. L’unité et l’amour qu’il atteste sont les marques que le monde peut observer pour reconnaître que nous sommes chrétiens et que Jésus a été envoyé par le Père.


L’auteur

Francis August Schaeffer, né le 30 janvier 1912 à Germantown, Pennsylvanie, et décédé le 15 mai 1984 à Rochester, Minnesota, était un théologien, philosophe et pasteur presbytérien évangélique américain. Il est particulièrement reconnu pour avoir fondé, avec son épouse Edith, la communauté de L’Abri en Suisse, un centre d’accueil et de réflexion chrétienne qui a attiré des milliers de jeunes en quête de réponses spirituelles et intellectuelles. 

Issu d’un milieu ouvrier modeste, Schaeffer a développé dès son jeune âge un intérêt profond pour la philosophie et la théologie. Il a étudié au Westminster Theological Seminary, puis au Faith Theological Seminary, où il a obtenu son diplôme en 1938. Après son ordination, il a exercé son ministère pastoral dans plusieurs églises aux États-Unis avant de s’installer en Suisse en 1948. 

À Huémoz, dans les Alpes vaudoises, Francis et Edith Schaeffer ont établi L’Abri en 1955. Ce lieu est rapidement devenu un centre international de discussions philosophiques et théologiques, offrant un espace où les individus pouvaient explorer les questions de foi, de culture et de société à la lumière des Écritures. 

Schaeffer est l’auteur de nombreux ouvrages influents, traduits en plusieurs langues, abordant des sujets tels que la décadence morale de la société moderne, la défense de la foi chrétienne et l’engagement culturel des croyants. Parmi ses œuvres notables figurent « The God Who Is There », « Escape from Reason » et « How Should We Then Live? ». 

Son approche combinait une analyse rigoureuse de la pensée contemporaine et une profonde compassion pastorale, cherchant à démontrer la pertinence de la foi chrétienne face aux défis du monde moderne. Jusqu’à sa mort en 1984, Francis Schaeffer a exercé une influence significative sur la pensée évangélique, laissant un héritage durable à travers ses écrits et la communauté de L’Abri

Aller plus loin

L’histoire de Francis et Edith Schaeffer et de l’Abri

"Dingue" de Jésus, en chemin avec Lui depuis 34 ans, pionnier du web chrétien depuis 25 ans, père de 6 enfants, Nicolas habite en région bordelaise. Il est connu pour ses blogs d'investigation, ses interviews sans concession et ses chroniques radio conservatrices.

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