La solitude : de l’autruche au vase brisé…

Le brisement fait du bien. Il casse le fébrile, émonde le superficiel et installe au fond de nous la pierre d’angle qui est rarement posée « au milieu des acclamations »...

1156 vues
lu en 11 minutes

J’ai parfois pensé que ceux qui finissaient seuls étaient les « isolationnistes », ceux qui cherchent des poux dans la tête de tout le monde et dont la sanctification repose dans le fait… qu’ils ont seulement fait le vide autour d’eux. Exempts de frottement parce qu’ils n’ont personne qui soit leur vis-à-vis, ils peuvent se prendre pour des saints alors qu’ils sont des monstres d’égoïsme, se comparant aux autres sans cesser de les juger, pour se trouver meilleurs bien sûr…

Ensuite, j’ai pensé que ceux qui finissaient seuls étaient ceux qui vont « trop loin sans rester dans la doctrine de Christ » (2 jean 1;9). Ceux qui avaient une doctrine chérie ou un péché secret, qui idolâtraient un homme ou un jour de la semaine. Des gens qui n’avaient pas un fondement réel et solide et qui se cramponnaient à un morceau de vérité à cause de quelque brèche dans leur cuirasse, sombraient dans le fanatisme ou passaient leur temps à raconter ce que Dieu faisait par les autres comme si Dieu ne faisait jamais rien par eux (Romains 15:18)

Toutes ces choses isolent, même au milieu d’une foule ou d’un compte Facebook bien fourni. Mais avec le temps, j’ai appris à reconnaître d’autres solitudes.

Il y a ensuite cette propension de l’homme à s’appuyer sur son prochain, à se fier à lui pour de l’encouragement ou des subsides, avant de compter sur Dieu et sur Dieu seul, comme nous le rappelait le pasteur Weber ce week-end. A ce burnout spirituel qui se produit parce qu’on met au mauvais endroit les mauvaises priorités et qui produit le découragement, dont Oswald Chambers disait qu’il n’était « qu’un égoïsme déçu », j’opposais une très personnelle et assez peu charitable conception: « ce brisement lui fera du bien ».

Et c’est vrai que le brisement fait du bien, il casse en nous le fébrile, il émonde le superficiel, il installe au fond de nous la pierre d’angle qui est rarement posée « au milieu des acclamations ». Peu nombreux sont ceux qui survivent dans ce chemin du désert. Encore moins nombreux sont les volontaires qui désirent y avoir « un cabane », comme le prophète Jérémie. Quelques-uns en remontent comme la Sulamithe, avec le visage bronzé de ceux qui sont allés au bout d’eux-mêmes et sont peut-être, enfin, aptes à servir (Cant. 1:5). Encore que la souffrance, souvent, ne rend pas meilleur et qu’il faille tout le temps tout remettre en cause car l’égoïsme est une partie intégrante de notre nature: pour cette souffrance aussi devons-nous « revêtir Christ ».

Les animaux les plus farouches allaitent leurs petits, mais la fille de mon peuple est cruelle, comme une autruche dans le désert.

(Lam.4:3)

Mais cette sélection naturelle darwinienne sauce évangélique, qui consiste à regarder de loin le brisement et la souffrance d’autrui, n’est pas saine. Lorsqu’un membre souffre, le reste du Corps devrait souffrir. Cette armée dispersée de chrétiens « sans église fixe » que nous sommes a la sottise de l’autruche. Elle oublie qu’elle est un membre issu d’un Corps et même si souvent aussi, cette armée a eu le bon sens de quitter ces églises abusives qui empêchent la croissance et installent un système oppressif, elle a reproduit sa petite Babylone au désert: comme l’autruche, elle pense que laisser ses oeufs dorer au soleil est une preuve de spiritualité. Elle oublie, l’autruche, que « le pied ou les bêtes des champs peuvent écraser » sa descendance. Et Dieu n’a rien à voir dans tout cela car Il nous a dotés, à la différence de l’autruche, d’une intelligence.

Ainsi, lorsque je vois des gens qui se retirent, je ne pense pas forcément qu’ils sont rétrogrades. J’essaye de voir ce qui a mal fonctionné, de comprendre l’endroit où le bât a blessé. Je cours chercher ma burette d’huile ou mon « baume de Galaad » pour panser la plaie. Lorsque je lis des messages de ce genre, je reste longtemps songeur et je me demande si nous avons vraiment le sens du Corps, ou si nous sommes tombés dans le panneau du star system des nouvelles églises évangéliques – système que nous avons laissé s’installer en lieu et place de la communion d’antan, où tout ce qui nous motive c’est de chanter des chansons, de tenir un micro, oubliant le message de Celui qui fit route avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs: la tête pleine de leurs pensées et de leurs préoccupations, ils n’ont pas reconnu Jésus qui leur parlait, mais en eux, ils savaient qu’ils avaient touché à l’Essentiel, à cause de cette flamme qui brûlait.

Des millions sont engloutis dans des images, du bruit, des voyages et de l’apparence, mais des oeuvres vitales, essentielles, des soutiens à des orphelins, des veuves, des étrangers, des isolés, des choses moins « sexy » que ce que le monde adule et dont nous croyons devoir faire notre priorité, périclitent dans l’indifférence. Ce que nous moissonnerons si nous ne nous laissons ni reprendre ni briser par le Seigneur, ni reprendre ni émouvoir par la souffrance de celui qui disparaît en silence, ce sera la sanction que Dieu réserve à la tiédeur.

Un classique de Watchman Nee sur le brisement

Tout serviteur du Seigneur doit faire l’expérience fondamentale du brisement de son homme extérieur (sa chair et son âme qui est le centre de sa volonté, ses émotions, ses pensées). Pour que nous puissions servir Dieu efficacement, Celui-ci doit, avant tout, briser notre homme extérieur. S’il veut travailler pour Dieu, tout serviteur a le choix entre deux options. Tout d’abord, considérons que son homme extérieur n’est jamais brisé. Par conséquent, son esprit reste en état de veille. Son esprit ne peut pas être libéré et aucune énergie n’émane de lui. Seule sa pensée et ses émotions agissent. Si c’est un être intelligent, sa pensée agit, si c’est un être sentimental, ce sont ses émotions qui sont sollicitées. Cependant, une œuvre pareille n’amène personne à Dieu.

La deuxième possibilité, c’est que son homme extérieur ne se sépare pas nettement de son homme intérieur (son esprit). Lorsque son esprit est libéré, il est enveloppé dans ses pensées ou dans ses émotions. Il en résulte confusion et impureté, et ce genre d’œuvre engendre des expériences confuses et impures chez les autres. Ces deux cas de figures créent une frustration chez l’individu qui ne peut servir Dieu d’une manière adéquate.

Si nous voulons nous engager dans un travail efficace, nous devons admettre au moins une fois cette phrase fondamentale : « C’est l’Esprit qui vivifie » (Jean 6 :63). Si nous ne réglons pas cette question cette année, nous devrons la régler l’année prochaine. Si nous ne la réglons pas le premier jour où nous croyons en Dieu, nous devrons résoudre le problème tôt ou tard, même si c’est dans dix ans. Nombre de personnes doivent être poussées jusqu’au bout d’elles-mêmes et se rendre compte de la vanité de leur travail, avant de voir combien leurs pensées et leurs sentiments sont futiles. Peu importe le nombre de gens que nous pouvons convertir par nos pensées et nos sentiments, le résultat sera vain. Tôt ou tard, nous devrons confesser; «C’est l’Esprit qui vivifie».

(Tiré de « La libération de l’Esprit », Watchman Nee)

"Dingue" de Jésus, en chemin avec Lui depuis 34 ans, pionnier du web chrétien depuis 25 ans, père de 6 enfants, Nicolas habite en région bordelaise. Il est connu pour ses blogs d'investigation, ses interviews sans concession et ses chroniques radio conservatrices.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Derniers articles de Blog